Après les composants électroniques, pénurie de main d’oeuvre

14 septembre 2021
-IAM, News

Hugues Chevalier, Economist

Alors même que le taux de chômage n’est pas encore revenu à son niveau de pré-crise (7.1% dans l’Union Européenne en juin) et que le niveau de l’emploi reste en deçà de celui de février 2020, une pénurie générale de main d’œuvre est observée en Europe (et aux Etats-Unis). Tous les secteurs sont touchés, mais les services (hôtellerie, restauration, santé, informatique, etc.) sont particulièrement affectés. Les offres d’emploi atteignent des sommets avec, par exemple, plus d’un million par jour en France, ou des niveaux d’annonces supérieurs allant jusqu’à 30% (Italie) par rapport à la situation pré-crise. Au Danemark, une étude signale que 21% des grandes entreprises affirment avoir refusé des commandes en raison du manque de main d’œuvre. En Allemagne, le syndicat Dehoga (alimentation et hôtellerie) estime qu’un employé sur six a quitté ces secteurs, soit près de 300’000 travailleurs. Au Royaume-Uni, le Brexit rajoute encore une couche supplémentaire au chaos, car 1.3 million d’Européens ont quitté le pays avec la pandémie et ne sont pas revenus, ou ne peuvent pas car ils n’ont pas de visa pour travailler. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation. Sur le plan conjoncturel, on assiste plus à des goulets d’étranglement qu’à une véritable pénurie: tous les secteurs se sont mis à recruter en même temps. Comme pour les composants électroniques, il faudra plusieurs mois pour que la situation se régularise. Toutefois, un changement structurel pourrait également être à l’origine de cette situation sous les effets conjoints des changements de vie post pandémie et du vieillissement accéléré de la population. Si cette situation devait durer, on pourrait alors assister à un basculement du marché du travail avec un pouvoir de négociation transféré vers les travailleurs après 40 ans de modération salariale, ce qui pourrait faire encore accélérer l’inflation. Pourtant, à l’exception du Royaume-Uni, on n’observe aucune hausse anormale des salaires dans l’UE. D’ici le début 2022, on verra si cette pénurie est appelée à durer ou non, et si les salaires seront impactés structurellement.

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